Chantier

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La splendeur retrouvée : anatomie d'un chantier

boiseries déposées

Entre 2022 et 2024, un grand chantier du patrimoine a été conduit au Château de Carrouges : la restitution de l'appartement de parade du XVIIe siècle. Alors qu'il n'avait pour objectif initial que la restauration de boiseries peintes, ce projet est rapidement devenu une ambitieuse entreprise de restitution complète des lieux. On vous explique tout !

Bel endormi

Acheté par l’Etat en 1936 au dernier descendant de la famille Le Veneur, le Château de Carrouges était alors en très mauvais état

Dans les années 1950, les travaux de consolidation nécessaires des charpentes entrainent la dépose des éléments de décor de l’appartement de parade (à l’exception des boiseries de l’oratoire) et la modification parfois structurelle de l’ordonnancement des espaces.

Ces interventions ont été souvent peu respectueuses des éléments anciens conservés : on a pu constater des décapages des polychromies ou encore le remplacement d’éléments sculptés sans souci de leur conservation.
 

la cheminée très abimée et les murs nus de la chambre de parade
La chambre de l'appartement de parade avant la restauration de 2022-2024

© Alain Lonchampt / Centre des monuments nationaux

De la restauration à la restitution

Le projet de départ était la restauration des lambris peints, témoignage exceptionnel du goût d'un gentilhomme du Grand Siècle. Les lambris de la chambre ont donc été remontés, restaurés et complétés, pour retrouver dorure et polychromie. 

Mais la connaissance de cet appartement a pu être complétée grâce à la découverte des panneaux de boiseries du cabinet, celles des éléments de plafond et des volets de la chambre. 

Ces découvertes de nouveaux éléments sur le chantier permettant de compléter les décors a fait évoluer le projet : de restauration des lieux, le chantier s’est orienté vers un travail plus global et décoratif.

Dans la chambre, une tenture murale a été posée pour compléter le décor et le plafond plat a été presque intégralement restitué. 

Dans l'oratoire, des carreaux de faïence conservés ailleurs dans le château ont été posés sur le sol. 

Un parquet à échelle a été remonté dans l’antichambre avec des éléments de bois anciens, selon le dessin des autres pièces de même époque du château.

Pour parfaire cette restituton, un remeublement ambitieux a été entrepris grâce à des acquisitions, des prêts de grandes institutions et la donation au Centre des monuments nationaux de la collection Macchia
 

sol en faïence bleue
Sol en faïence déplacé du premier étage (appartement de la Comtesse Mère) au deuxième étage dans l'oratoire de l'appartement de parade

© Emma Fonteneau / Château de Carrouges

Retour aux sources

Le travail de remeublement s’est appuyé sur les sources archivistiques et documentaires de l’appartement.

La plus importante est l’inventaire du 24 octobre 1653 du mobilier du château de Carrouges réalisé à la mort de Jacques Le Veneur, le commanditaire de l'appartement de parade. Ce document notarié mentionne par exemple dans la chambre une tapisserie de verdure à sujet de chasse, une table, des chaises, un petit lit, des tabourets. Il a alors été décidé de recréer cette chambre de verdure caractéristique du goût du temps !

Des documents iconographiques comme les célèbres estampes d’Abraham Bosse représentant des intérieurs de la même époque, ont également été précieuses.
 

un grand lit rouge, de tapisseries au mur
La chambre de parade avec son lit, ses tapisseries de verdure, son mobilier

© Emma Fonteneau / Château de Carrouges

Pour le lit de parade, il a été envisagé la restitution du « petit lit » « housse rouge » que mentionne l’inventaire de 1653. Ce dernier étant plutôt laconique, cela a nécessité des recherches complémentaires. 

Un lit factice, composé des rideaux d’une housse d’entour en toile rouge présentés fermés sur une structure en bois, permet ainsi d’évoquer le meuble principal de la chambre. 

Les sièges de style ou historicisants de la chambre et l’antichambre qui font partie quant à eux des collections du château ont été garnis de housses rouges pour unifier l’ensemble.

Dans le cabinet doré, la disparition du décor de lambris a été palliée par une tenture flottante en textile rouge et or rappelant le « damas rouge cramoisy or et argent » des sièges décrits dans l’inventaire de 1653. 

Le choix des objets d'orfèvrerie présentée sur la table et issus de la collection Macchia s'appuie sur les sources d'archives qui faisaient état par exemple d’une « cassette d’argent et vermeil doré garnie de plusieurs cristaux de roche ».

Et, bien évidemment, des tableaux complètent cet ensemble, témoignant des connexions prestigieuses de la famille de Carrouges ou du goût particulier pour l'art italien propre au maître des lieux. Ils sont issus des collections du château, achetés en salle des ventes ou prêtés par des musées français. 

Expérience de visite immersive

Et si vous respiriez l'air du XVIIe siècle ? Une mise en ambiance olfactive a été réalisée en partenariat avec l'Osmothèque de Versailles.  

À partir de travaux de recherche et d’inspirations iconographiques le choix s’est porté sur un parfum à base de jacinthes des indes très prisées à cette époque pour leur senteur très lourde et capiteuse. Utilisées pour parfumer les intérieurs dans un objectif aussi bien esthétique qu’hygiénique, ou en huile pour le parfumage des gants ou du tabac à priser, ces jacinthes étaient très en vogue dans l'Italie chère à Jacques Le Veneur. 

Fleurs dans les vases, table dressée pour recevoir, travail sur la lumière avec la présence de lustres anciens : c'est à une vraie expérience de visite immersive que vous êtes invités au Château de Carrouges.

Le Centre des monuments nationaux poursuit ainsi son travail sur la restitution d'atmosphères par la création de scénographies authentiques, après l’Hôtel de la Marine, le Château de Bussy-Rabutin ou le Château de Rambouillet !

arrangement de fleurs artificielles dans des vases

© Emma Fonteneau / Château de Carrouges

Un chantier du plan de relance

Ce chantier a été conduit entre 2022 et 2024 par le Centre des monuments nationaux.

Sous la maîtrise d’œuvre de Christophe Amiot, architecte en chef des monuments historiques, ces travaux d’un montant total de 5,9 millions d’euros ont reçu le soutien du plan gouvernemental "France Relance", du Crédit Agricole Normandie, de la Fondation Pays de France et de 30 donateurs particuliers. 

chambre de parade échaffaudée
La chambre de parade en restauration

© Emma Fonteneau / Château de Carrouges

Le dossier thématique

Versailles et l’Italie en Normandie : l’appartement de parade du XVIIe siècle

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