Art & Architecture
article | Temps de Lecture10 min
Art & Architecture
article | Temps de Lecture10 min
C’est le repaire de la famille médiévale et, à Carrouges, le noyau autour duquel va s’étendre de la fin du Moyen Âge au XVIIe siècle le château que l’on connaît aujourd’hui. Voici… le donjon !
Quand on emprunte le pont qui de « levis » est devenu « dormant » au XIXe siècle, on aperçoit sur la gauche un corps de bâtiment en sailli que quelques détails singularisent du reste de la bâtisse…
C’est le donjon !
Il a aujourd’hui conservé la plupart de ses défenses : une base en pente pour repousser les assauts, des meurtrières, un parapet, des mâchicoulis et même sa chambre de tirs.
Cet imposant bâtiment en briques, haut de plus de 15 mètres, repose sur des murs de granit épais de trois mètres.
Il est édifié en 1367 sur ordre du roi de France Charles V. Nous sommes dans le contexte de la guerre franco-anglaise qu’on appellera plus tard « guerre de Cent Ans » et aux premières loges de laquelle on trouve les seigneurs normands et leurs châteaux.
Ce nouveau château dans les marais remplace l’ancien château de la famille de Carrouges.
Ce logis-tour carré comporte trois niveaux.
Au rez-de-chaussée se trouve la salle commune où on faisait aussi la cuisine. Son puits intérieur permettait d’assurer le service quotidien. Il est surtout une source cruciale d’approvisionnement en eau en cas de siège.
Ne manquez pas la chambre de tirs ! Originellement conçue pour les arbalétriers, cette casemate sera réaménagée pour le tir au mousquet pendant les guerres de Religion.
Le deuxième étage a quant à lui conservé sa disposition d’origine avec ses deux chambres, sa petite salle en retrait et ses latrines.
C’est là, en 1386, dans ce donjon qui symbolise la puissance d'un seigneur, que Jean IV de Carrouges, chevalier courageux mais à la gloire déclinante, va nourrir ses rancunes envers un ami devenu rival, jusqu’au duel ultime qui mettra fin dans le sang à leur querelle…
Une histoire entre deux Normands qui va marquer la France à la fin du XIVe siècle !
Au rez-de-chaussée du donjon est présentée la pierre à dîme de Carrouges. Ses quatre faces donnent « la mesure de Carrouges » pour les liquides, les grains, la farine ou encore le sel.
Car au Moyen Âge chaque denrée a sa propre unité de mesure dont l'étalon varie d'un fief à l'autre !
Louis XIV essaiera en vain de mettre un terme à ces particularismes, selon l’adage de son ministre Colbert : « un roi, une loi, un poids, une mesure ». Mais il faudra attendre la Révolution pour que s’impose le système métrique universel.
Cette pierre qui date probablement de la fin du XVe siècle, de l’époque de la famille Blosset, marque le pouvoir économique des seigneurs de Carrouges qui assuraient le contrôle des quatre foires annuelles et du marché hebdomadaire… qui se tient le mercredi au sein du village, aujourd’hui encore comme alors !
Le domaine de Carrouges était un fief prospère qui produisait à la fin du Moyen Âge entre 400 et 500 livres de rente annuelle, à une époque où un chevalier en campagne ne recevait qu’une livre par jour de solde.
Le rez-de chaussée du donjon et sa chambre de tirs sont ouverts à la visite gratuitement. Les étages ne se visitent pas.