Histoire
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L'histoire de la Libération en Normandie ne s'est pas jouée que sur les plages... Le bocage fut aussi un enjeu stratégique. 13 août 1944 : Carrouges ne le sait pas encore, mais elle fera partie de toutes ces villes et villages de la "route Leclerc". En fin d'après-midi, c'est la Libération. Mais pour en arriver là, il aura fallu combattre, jusqu'aux portes du château...
Le 6 juin 1944, les Alliés débarquent sur les plages du Calvados et du Cotentin. C'est l'Opération Overlord.
La désormais célèbre "2e D.B." du Général Leclerc jouera un rôle décisif aux côtés des Alliés dans la Libération. Fondée un an plus tôt en Afrique sur le modèle des divisions blindées américaines à la demande de De Gaulle, elle est rattachée à la 3e armée américaine du Général Patton et débarque le 6 juin à Utah Beach.
Mais après cette étape cruciale du D-Day, il faut libérer le reste de la Normandie. Avec la percée d'Avranches au Sud du Cotentin le 31 juillet (opération Cobra) et tandis que Patton se dirige vers la Bretagne et la Vallée de la Loire dont l'accès est désormais ouvert, la 2e D.B. fait quant à elle route à travers la Mayenne et la Sarthe jusqu'au Mans où elle fait demi-tour pour prendre la Normandie à revers par le Sud et nasser les Allemands.
Après la Libération d'Alençon le 12 août, un passage remarqué par Sées et des combats violents dans la forêt d'Écouves à seulement 20 km du Château, la 2e D.B. arrive le 13 août à Carrouges qui est libéré en fin d'après-midi.
Tout de suite après Carrouges, elle met le cap au Nord et libère dans la même journée Écouché, puis Argentan le 20 août avec les Américains qu'elle avait croisés à Sées. De là, elle aide à fermer la poche de Falaise-Chambois en verrouillant son flanc Sud. "Le début de la fin de la guerre" dira le britannique Montgomery. Un enfer qu'elle vit aux côtés des Polonais, des Britanniques et des Canadiens, sans oublier les civils.
Le 21 août avec Mont-Ormel, 2,5 mois après le D-Day, c'est la fin de la bataille de Normandie. La Libération de Paris déjà insurgé (et où ils tardait à Leclerc et De Gaulle de mettre les pieds) peut alors commencer.
Joël Papillon, archéologue bénévole, a recueilli le témoignage d'habitants ayant vécu la Libération de Carrouges.
« Nous sommes le 13 août 1944. Il est 15h quand 3 tanks destroyers de la 2e D.B. du Général Leclerc quittent la route de Ciral pour s'engouffrer dans l'allée de la Bouvardière. Créant sur leur passage un énorme nuage de poussière, ils se dirigent vers le Château de Carrouges.
La grille qui le défend ne résiste pas longtemps à la colonne de blindés. Dans le parc, les mitrailleuses de 12,7mm arrosent copieusement les quelques camions allemands cachés là sous les immenses arbres.
Arrivés au niveau des douves sur sa gauche le premier blindé aperçoit à sa droite, sous le châtelet du Cardinal Le Veneur, un véhicule*. Aussitôt il arme son canon et tire ; l'obus atteint son but, enflamme le camion allemand (un Opel Blitz) rempli de munitions.
Il s'était caché là pour se soustraire à l'aviation américaine !
L'incendie, prenant de l'ampleur, brûle la porte d'entrée du porche, se propage au plancher du premier étage du monument puis au second, pour ensuite embraser la toiture.
Aussitôt les blindés laissent sur leur gauche le brasier puis traversent le verger. Après avoir dépassé le piège à loups, ils défoncent le mur d'enceinte (les stigmates du passage sont encore visibles dans la maçonnerie de nos jours) pour rejoindre la route de Carrouges et atteignent le bourg.
Fernand Balaicourt, gardien du Château, est témoin de la scène (son logement de fonction se situe au premier étage du château). Malgré son handicap physique, il descend dans la cour d'honneur, sort une pompe à main et l'installe au trou d'eau dans les douves, asséchées à l'époque, près du pont-levis pour circonscrire l'incendie. "Peine perdue" se dit-il ; il se résout à assister, impuissant, à l'agonie du chef d'œuvre architectural. La toiture sera refaite à l'identique en 1949. »
* Ce camion en panne avait été laissé sur place le 10 août en fin de journée. Il faisait partie d'un convoi avec deux autres véhicules dont le contenu est vidé par des civils français réquisitionnnés par l'autorité allemande. Transporté dans des voitures hippomobiles et camouflé sous du fourrage, il faisait route vers le château d'Almênèches.